Note #2 Serhildan : Le soulèvement au Kurdistan

Serhildan, c’est un cri qui signifie Rébellion en kurde. Un cri de vie, de colère et de révolte, à l’image des combats qui sont menés chaque jour par le peuple Kurde. Attaqués de toute part, que ce soit par le président turque Erdogan, ou par l’Etat Islamique, le peuple Kurde lutte depuis des décennies pour le droit à l’autodétermination, mû par des principes de liberté, d’égalité et de respect du vivant.

Le collectif Ne var ne yok est né d’une rencontre entre deux personnes : l’une, kurde vivant en France, et l’autre, militante des luttes sociales et fortement intéressée par les dynamiques des mouvements révolutionnaires. Suite à la mort de l’un de leurs proches, militant ayant rejoint le PKK (Parti des travailleurs et travailleuses du Kurdistan), iels décident d’aller voir par eux-mêmes les luttes en cours dans les différents Kurdistan, et effectuent plusieurs voyages dans le sud-est anatolien.
Serhildan est donc la parole des personnes rencontrées au cours de ces voyages, une série d’entretiens réalisés courant 2016 de camarades Kurdes du sud-est de la Turquie (Bakur).

Qui sont les Kurdes ?

Les Kurdes ne sont pas, comme souvent présentés, un peuple unifié, mais bien un ensemble de tribus formant une société complexe, présent au Moyen-orient depuis plus de 5 000 ans. Lors de la chute de l’Empire Ottoman, le territoire Kurde va se retrouver partagé entre quatre nations : La Turquie, la Syrie, L’Irak et l’Iran.
Violemment réprimés par l’Etat Turque, qui tente d’assimiler chaque minorité vivant sur son territoire (Arménien, Assyriens, Kurde…), les Kurdes finissent par se structurer dans les années 1970 autour de mouvements de libération national, dont le plus important reste le PKK. Passant quelques années plus tard à la lutte armée, les Kurdes subissent de nombreuses pertes chez les combattant·es, mais aussi énormément chez les civil·es, avec notamment de nombreux villages incendiés.

Drapeau du Kurdistan

Dans les entretiens, huit au total dans ce livre, de très nombreux sujets sont abordés, afin de brosser un portrait le plus complet possible de la situation au Kurdistan. La violence quotidienne, imposée ou choisie, mais aussi l’autonomie, le féminisme, l’écologie, la construction de la société kurde entre tradition et pensée libertaire…

Valeurs et ambitions du peuple kurde

Beaucoup de kurdes ont grandi dans cette guerre civile, et ont perdu des proches. La violence est quotidienne, et cela les emmène souvent à s’engager très jeunes. Deux des structures importantes de cette lutte sont le PKK et les YDG-H, deux groupes relativement complémentaires. Le premier est le parti des travailleur·euses kurdes, branche armée et fer de lance de la lutte kurde. Basé dans les montagnes, il forme notamment les YDG-H, les groupes d’auto-défense de la jeunesse kurde, principalement urbains. Au sein de ces deux structures cohabitent des myriades de petits groupes d’une dizaine ou quinzaine de personnes, coordonnées entre eux. Il existe, que ce soit au sein du PKK (les YJA-STAR), des YDG-H (les YDG-KH) ou du PYD, un des partis kurdes de Syrie (Les YPJ) des groupes non-mixtes féminins, afin de donner aux femmes les moyens de leur auto-défense, et de permettre à chacune de participer aux combats.
Des groupes de femmes existent aussi en dehors des combats, comme le DEM-GENC, sur un plan social et économique, ou le groupe des Mères de la paix, qui lutte pacifiquement en se mettant devant les tirs comme boucliers.

La société Kurde est très politisées, pas seulement les hommes, les femmes aussi sont très politisée. Elles sont conscientes de la politique d’Erdogan, conscientes de leur condition de femmes, consciente de la guerre. Peut être pas 100% des femmes, mais 90-95% des femmes Kurdes sont conscientes de la politique d’Erdogan et de la guerre. Elles doivent organiser leur propre auto-défense, elles savent qu’une réelle liberté ne peut être conquise que par leur propre lutte, elles le savent très bien.
[…]
C’est pour ça qu’au Kurdistan, là où un homme occupe une fonction, il y a systématiquement une femme au même niveau, que ce soit au front, au travail, à l’école, partout. Ce principe de parité est vécu en pratique dans la guerre tout les jours. Dans chaque institution, association, organisation au Kurdistan, il y a une section « femmes » et pour chaque fonction une co-présidence par un homme et une femme.

Le mouvement Kurde est un mouvement qui tend vers une auto-gouvernance. Notamment par la lutte armée, il crée des zones libérées de la présence policière ou militaire turque dans les montagnes, et politise la jeunesse et les villes Kurdes. Dans une perspective anti-colonialiste et d’émancipation, il fut assez vite acté que l’idée de créer un état-nation Kurde était un piège, notamment car il ne permettait pas à la révolution de se porter sur l’ensemble du Moyen-Orient. C’est à partir de ces réflexions que Abdullah Öcalan, le leader kurde et chef du PKK en prison depuis 1999, théorise « L’autonomie démocratique ». Inspiré notamment d’Antonio Negri et de Murray Bookchin, ce système est actuellement en développement et promet de passionnants résultats.

Cela fait maintenant quelques années que le mouvement Kurde à commencé à vivre des expériences locales d’autonomie démocratique. Ce modèle cherche à créer des zones hors de l’état plutôt que de créer un état kurde.
[…]
L’autonomie démocratique, à travers les communes établies dans les quartiers, cherche à transformer plusieurs domaines de la vie sociale : la loi, l’économie, la santé, l’éducation, et l’autodéfense, entres autres. Pour donner quelques exemples, les acteurs politiques locaux ont crée leur propre système judiciaire pour résoudre des problèmes au sein de la communauté, sans avoir recours aux tribunaux de l’état. Ils sont actuellement en train de mettre en place des coopératives dans le cadre de la création d’une économie alternative. Les jeunes qui sont formés et armés dans le cadre du YDG-H ont pris en main la responsabilité de l’auto-défense de leurs quartiers. Les femmes sont autant actives que les hommes lors de tout ces processus par le biais de leurs nombreuses organisations .

Le lien entre la Turquie et l’Europe est également une problématique abordée dans les entretiens. Quel est le jeu de la Turquie, qui négocie pour une entrée dans l’Europe notamment par le biais des populations migrantes ? Grassement payée par l’Union européenne (6 milliards) pour garder les réfugié·e·s à l’intérieur de ses frontières, la Turquie en profite donc pour armer toujours plus sa police et mener une guerre toujours plus violente contre ses opposant·es politiques.

Ne var ne yok, Serhildan : Le soulèvement au Kurdistan, Niet! 2016

La situation des différents Kurdistan est mouvante, au fil des attaques conjointes de Daesh et de l’état turque. Pour se tenir au courant de l’avancée de la lutte, consultez :

Nevarneyok.noblogs.org Le blog du collectif Ne var ne yok
Kedistan.fr Site d’infos sur le Kurdistan et la Turquie
InfoRojava.tumblr.com Site d’infos sur le Rojava.

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